C’est la 1ère fois que le ministre de la défense d’Allemagne se rend auprès de l’IFRI (un think tank renommé) et elle y était reçue par Thierry de Montbrial, son fondateur (T de M).
Madame Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK) a été ministre régionale de la Sarre (Saarland) avant d’en devenir ministre-présidente en 2011 ; puis depuis juillet 2019, Ministre fédéral de la Défense. Robert Schuman, un des pères fondateurs, était originaire de Luxembourg, proche de la Sarre.
C’est une femme intelligente, avec les pieds sur terre, et qui défend les intérêts de son pays.
Quelles que soient les controverses entre la France et Allemagne (2 piliers forts de l’Europe) ce duo relève souvent du miracle tant sont différents les 2 pays, dira T de M.
Dès 2019, AKK avait ouvert la polémique avec le président Macron :
- Mars 2019 : faisons l’Europe comme il faut, Mme Kramp-Karrenbauer remet en cause le siège de la France au Conseil de sécurité (elle souhaitait que l’UE dispose de ce siège)
- Macron dit : l’OTAN est en état de mort cérébral
- Nov. 2020, Politico : AKK indique qu’il faut en finir avec l’illusion d’une autonomie de défense européenne (elle évoquait surtout la capacité de jugement). Caroline Kanter de la Fondation Konrad Adenauer (www.kas.de) :
Sur les actions bilatérales éducation / affaires sociales et familiales.
Puis Joe Biden arrive au pouvoir le 21 janvier 2021 !
- Lâche soulagement : le destin de l’Europe est dans l’OTAN
- Les principaux intérêts des États-Unis ne sont pas, ou plus, entièrement liés à notre destin en tant qu’européens
- Le traité d’Aix-la-Chapelle trace une bonne voie pour une coopération entre la France et l’Allemagne, mais il faut maintenant l’incarner et la matérialiser.
- Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, et Josep Borrell, Haut-Commissaire aux Affaires extérieures et à la Sécurité, qui remplace Mme Mogherini :
=> Quelles sont les attentes des Français et des Européens ? Quels sont les défis à relever ?
=> Parler en égaux avec les États-Unis et la Chine, ce qui n’est pas le cas pour le moment.
Cette dépendance (vis-à-vis des deux superpuissances), nous devons la réduire !
Nous distancer des États-Unis. Comment voulons-nous conquérir et utiliser notre Liberté ?
Nous devons être plus présents dans la zone Asie-Pacifique, dit Mme Kramp-Karrenbauer, car nous sommes un pays exportateur avec la France (et le Royaume-Uni). La France reste un partenaire important pour l’Allemagne sur le plan économique et sur le plan de la défense, même et surtout hors UE.
Points non communs entre la France et l’Allemagne : des regards décalés
Il faudrait faire en sorte que l’UE ait un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.
L’Allemagne veut désormais :
- Nous observons un essor de la Chine qui promeut et met en place « son ordre mondial » bien différent de celui que souhaite l’UE ; cf. en Afrique.
- La Russie déploie la démocratie illibérale (comme la Hongrie et la Pologne, mais en antagonisme avec ces pays) et défie les États-Unis et l’UE.
- Au Sahel, qui est à nos portes, nous observons une très grande faiblesse (et une corruption) des États dans une zone en proie à une influence croissante du radicalisme islamiste ; des groupes criminels bien armés y déploient une activité terroriste.
- Le Haut Karabagh entre Arménie et Azerbaïdjan a mis en évidence l’importance (a) de ne pas laisser dégénérer un conflit, (b) des drones, armes peu onéreuses et très efficaces.
- Nous observons la montée rapide d’attaques hybrides dans le cyber espace, ce qui amène à se poser des questions telles :
Quelle est notre compréhension stratégique commune avec une boussole ?
Sommes-nous capables d’être au top dans les ‘high techs’ ?
T de M évoque les thèmes suivants :
Un défi sécuritaire majeur concerne l’Afrique, notre voisin proche : que se passera-t-il à moyen terme (3-5 ans) si l’UE perd la main ? Éric-André Martin, Secrétaire Général du CERFA (comité d’études des relations franco-allemandes), développe trois points :
La ‘Belt and Road Initiative’ (BRI), phénoménal projet de la Chine atteint les Balkans. Etape par étape, la Chine essaie d’atteindre l’Europe pour faciliter l’acheminement des ses marchandises par la voie terrestre à travers l’Asie et l’Europe, autant que par la mer.
Face aux promesses de la BRI, mais aussi face à la compétition qu’elle représente, AKK répond sur le premier point – la coopération pour l’armement – des projets communs de défense à propos du SCAF. Elle pense possible un partage des tâches dans la chaîne de valeur. Il peut y avoir des transferts de technologie et de propriété intellectuelle entre partenaires en Europe.
Il faut trouver au préalable une entente entre les industriels, pour ensuite proposer un accord politique à faire approuver par le parlement allemand (Bundestag et Bundesrat).
Sur le deuxième point relatif à la zone Indo-Pacifique la France et l’Allemagne ont des visions différentes en termes d’intérêts et de positionnement ; il faut en discuter.
La BRI inclut la route vers l’Afrique où la diplomatie des stades produit un climat ambivalent, mais plutôt favorable aux vues de la Chine. L’Europe est confrontée aux propositions alléchantes pour l’Afrique faites par la Chine. Alice Pannier de l’IFRI, Responsable du programme Géopolitique des technologies :
T d M enchaîne : les États-Unis veulent transformer l’OTAN en une alliance antichinoise, y avons-nous intérêt ?
Iran, Chine, embargo, représailles, sanctions diverses ?
AKK évoque ensuite comment la Bundeswehr (l’armée fédérale) voit la guerre en Afghanistan :
Il a fallu évider les zones de repli pour Al Qaïda.
En conclusion, un objectif irréaliste ne peut qu’entraîner des déceptions. Mme Kramp-Karrenbauer pense très important de créer un Conseil national de sécurité en Allemagne.